09/09/2024 ssofidelis.substack.com  9min #256342

 Le sionisme va-t-il s'autodétruire ?

Le piège se referme-t-il sur Netanyahou ?

Par  Robert Inlakesh, le 7 septembre 2024

Après le 7 octobre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a été confronté à une crise massive, pire que celle à laquelle l'entité sioniste a jamais été confrontée.


Près d'un an après le début de la campagne génocidaire contre Gaza, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu n'a pas réussi à atteindre les objectifs de guerre qu'il s'était fixés. Aujourd'hui, il semble prêt à sacrifier l'ensemble du projet sioniste dans l'espoir que, s'il prolonge la guerre suffisamment longtemps, ses problèmes disparaîtront comme par magie. En fin de compte, il devra prendre une décision majeure pour infléchir la dynamique de la guerre.

Le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est un criminel de guerre, un raciste et un narcissique, mais il est surtout un survivant politique, probablement grâce à sa capacité infinie à puiser dans les facettes les plus dépravées de sa personnalité. Dans sa quête de survie, il a toutefois réussi à façonner la société israélienne à son image et à faire remonter à la surface les traits les plus génocidaires du projet sioniste de colonisation.

Au cours des 30 dernières années, Benjamin Netanyahu a monté les responsables politiques les uns contre les autres, en exploitant les divisions qu'il découvre dans le paysage politique israélien et en renforçant le pouvoir d'un mouvement de colons fanatiques, religieux et nationalistes. Même si le Premier ministre israélien aurait préféré ne pas avoir à maintenir son pouvoir grâce à l'aide de l'alliance extrémiste du sionisme religieux, il n'a pas d'autres solutions possibles. Alors qu'il tente de continuer à naviguer dans le champ de mines politique qu'il occupe actuellement, il risque de s'effondrer sous une immense pression.

Il est indéniable que le projet sioniste a toujours été de nature expansionniste et génocidaire, puisqu'il repose sur l'élimination totale ou partielle de la population de la Palestine afin de construire un État ethnique. Par conséquent, l'approche selon laquelle le gouvernement israélien actuel est en quelque sorte pire dans ses intentions que tous les autres est un mauvais argument. Cependant, Benjamin Netanyahu est un personnage particulièrement intéressant car il accélère l'effondrement de l'entité sioniste et comprendre sa situation désespérée, c'est comprendre celle du régime sioniste.

À court d'options

Comme évoqué plus haut, Netanyahu est un survivant politique, il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais pour qu'un homme reste au pouvoir aussi longtemps, de la manière dont il l'a fait, arrive un stade où des problèmes de fond se posent inévitablement.

Tout au long de son parcours dans la politique israélienne, il a toujours cherché à jouer le rôle de la résistance persécutée face à une sorte de conspiration émanant de la soi-disant gauche israélienne. Pour défendre cet argument, il est parvenu à modifier la définition de ce qui constitue la "gauche" dans le système politique israélien. Lorsqu'il est devenu Premier ministre en 1996, la "gauche" était le parti travailliste israélien, qui n'était pas vraiment de gauche, et que l'on pourrait peut-être qualifier de centriste dans le meilleur des cas. Cependant, les travaillistes sont passés de vie à trépas et ne se sont jamais vraiment remis des accords d'Oslo, au point de n'être plus que de simples variables d'ajustement.

D'autre part, au fil des cycles électoraux, de plus en plus de partis de droite ont émergé dans le système politique israélien, dont beaucoup ont été créés en raison d'un désaccord ou un autre avec Benjamin Netanyahu. La société israélienne glissant lentement de plus en plus à droite, vers les idéologies les plus extrêmes que l'on puisse imaginer, l'objectif n'a cessé de se déplacer, au point que toute idée de groupe israélien "centriste" ou libéral est si négligeable qu'il relève de la plaisanterie : prenez par exemple le parti Meretz, c'est à peu près tout ce qu'il y a de plus "à gauche", et même dans ce cas, il s'agit d'un groupe marginal. À l'exception, bien sûr, des partis des citoyens palestiniens d'Israël.

En arrière-plan, alors que Netanyahu entraînait lentement le système politique et la société de plus en plus à droite, tout en utilisant le terme "gauchiste" pour étiqueter d'autres responsables politiques et partis de droite, il favorisait aussi le développement d'un mouvement extrémiste de colons assez puissant. Après le retrait des colons illégaux de la bande de Gaza en 2005, le mouvement des colons a commencé à se développer et à se renforcer pour que leurs aspirations à l'expansion des colonies ne soient plus jamais menacées. Benjamin Netanyahu a vu une opportunité dans l'aide apportée à ce mouvement et aujourd'hui, nous en sommes au point où il va devoir s'appuyer sur eux.

Le problème pour la politique israélienne est que le mouvement des colons est simplet, tapageur et agressif, qu'il parle ouvertement de ses objectifs de génocide et d'expansion des colonies, sans comprendre la nécessité d'une stratégie intelligente pour poursuivre l'expansionnisme. De nombreux membres du Likoud sont aujourd'hui aussi ouvertement extrémistes que leurs alliés du sionisme religieux et se sentent encouragés à agir de la sorte. Dans un tel climat, Benjamin Netanyahu ne craint pas non plus d'émettre ses propres opinions génocidaires et presque aucun Israélien ne s'oppose à ce qu'il dit. En fin de compte, les Israéliens montrent leur vrai visage au monde et le masque est définitivement tombé, rendant ainsi la tâche beaucoup plus difficile aux sionistes d'échapper à leurs crimes de guerre et à leur comportement scandaleux, puisqu'il n'est plus possible de les ignorer.

Cela étant, après le 7 octobre, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a été confronté à une crise massive, pire que celle à laquelle l'entité sioniste a jamais été confrontée. Au lieu de céder à la pression et de mettre rapidement fin à la guerre, il a estimé que le meilleur moyen de survivre était de poursuivre la guerre indéfiniment et de la mener jusqu'à ce qu'une solution lui tombe du ciel. Afin de maintenir la légitimité de cette guerre - dont le but ultime est d'exterminer autant de Palestiniens que le permettront ses alliés occidentaux, tout en anéantissant la totalité des infrastructures du territoire - il a compris que le 7 octobre devait être converti en une réalité qu'il n'était manifestement pas.

Il a donc fabriqué un récit, basé sur une série complètement absurde d'histoires macabres, allant de bébés décapités aux viols collectifs, en passant par des nourrissons dans le four, tout cela pour faire croire aux gens que ce qui s'est passé n'était en aucun cas un assaut militaire avec des objectifs militaires stratégiques, conçu pour essayer de faire oublier la misère que les habitants de Gaza vivaient au jour le jour. C'est pourquoi nous avons tous entendu dire qu'il s'agissait de "la pire attaque contre les Juifs depuis l'Holocauste", car Netanyahou avait besoin de légitimité pour commettre la pire atrocité jamais diffusée en direct sur les écrans.

Cependant, plus de 11 mois plus tard, il n'a atteint aucun de ses objectifs de guerre et est au contraire embourbé dans une guerre d'usure à laquelle son armée n'a jamais été préparée. Bien que l'administration Biden n'ait pas les épaules, ni les compétences intellectuelles pour imposer la fin de la guerre, il est clair que Washington voudrait qu'elle prenne fin et qu'elle en subit les effets néfastes. Cela dit, Washington ne fait subir aucune conséquence concrète à Netanyahou, qui ne voit donc aucune raison de s'arrêter, mais la situation n'est pas soutenable.

Benjamin Netanyahou a réussi à construire une société israélienne et une coalition de fanatiques génocidaires, qui ne comprennent pas la nécessité d'un compromis, de prudence politique ou de retenue. Par conséquent, la majorité des Israéliens souhaitent que la guerre se poursuive, mais avec une réserve majeure : ils veulent que leurs captifs détenus à Gaza soient libérés. Il faut le dire clairement, les centaines de milliers d'Israéliens qui manifestent pour un accord de cessez-le-feu ne cherchent pas à mettre fin à la campagne de destruction de Gaza, ils veulent seulement un accord qui leur permettra de récupérer leurs prisonniers et n'ont que faire de la vie des civils palestiniens. Selon un récent sondage de Pew, 70 % des juifs israéliens estiment qu'il ne devrait pas être permis de manifester publiquement son empathie pour les civils de Gaza et tous les sondages effectués sur leur soutien à la guerre suggèrent que le nombre d'entre eux qui pensent que le recours à la force a été excessif est de l'ordre d'un petit 10 % (en termes de pourcentage).

Le dirigeant génocidaire est donc confronté à un problème avec son électorat raciste, dont une bonne part souhaite le retour de ses otages dans le cadre d'un échange de prisonniers et qui comprend que la guerre ne permettra pas d'atteindre cet objectif. Cette fraction de la population israélienne est aussi principalement composée de ceux qui détestent Netanyahou et sa coalition. Là encore, cela n'a rien à voir avec le fait de s'opposer à sa politique à l'égard des Palestiniens, ils n'aiment pas sa personnalité et ne veulent pas que le régime devienne une théocratie. Cette situation crée aujourd'hui de gros problèmes pour le Premier ministre et menace de devenir lourdement préjudiciable à l'entité sioniste si la situation s'aggrave.

En outre, il ne reste que peu de temps avant qu'une guerre régionale n'éclate. Confronté à un contexte interne difficile, il ne peut aller à l'encontre de la volonté de sa coalition religieuse-nationaliste, même si la survie de l'entité sioniste s'en trouverait stratégiquement plus avisée. Il a donc besoin d'une diversion, une diversion si énorme que personne ne se souciera de Gaza après elle, à savoir une conflagration régionale, très probablement avec le Liban.

Lorsque Benjamin Netanyahou a autorisé les frappes assassines contre le commandant du Hezbollah Fouad Shukr à Beyrouth et le chef du Hamas Ismail Haniyeh à Téhéran, il est probable qu'il s'attendait à des réponses immédiates qui pourraient finir par provoquer une guerre régionale limitée. Pourtant, l'Iran et Ansarallah n'ont pas encore réagi, tandis que le Hezbollah se livre à un véritable numéro psychologique avec le régime sioniste en déclarant en substance : "Peut-être que nous frapperons à nouveau, peut-être que nous considérons que l'affaire est close". La résistance régionale peut ainsi surveiller l'évolution des événements et agir en fonction de ses propres calculs, au lieu de réagir à un moment favorable à Israël.

L'autre carte maîtresse est la Cisjordanie, qui peut devenir du jour au lendemain un problème majeur pour les Israéliens. Bien que ce front ait été beaucoup moins crucial que prévu, le potentiel d'une flambée de violence y est toujours énorme, ce qui aurait un impact massif sur le régime sioniste. C'est pourquoi la majorité des forces militaires israéliennes a été déployée en Cisjordanie, en plus grand nombre qu'à Gaza, afin d'essayer de prévenir un tel scénario.

Le temps presse et nous pourrions bientôt assister à une nouvelle agression contre le Liban et/ou l'Iran, alors que se profile un ultimatum : soit signer un accord de cessez-le-feu, soit amplifier la guerre et espérer que tout aille pour le mieux.

* Robert Inlakesh est analyste politique, journaliste et réalisateur de documentaires.

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